Le maire de Lampedusa raconte à EPTV sa désolation suite aux tragédies survenues récemment et demande une réforme rapide des lois européennes en matière d'immigration.

Interview : "L'Europe fait de Lampedusa un site d'enfouissement d'êtres humains" - Mme Nicolini

https://api.multimedia.europarl.europa.eu/documents/20125/16418477/n003-0265-fr.srt

Giusi Nicolini,  vous êtes le maire de Lampedusa,

une île de 6000 habitants  connue dans le monde entier,

malheureusement pas  parce qu'il s'agit d'une île magnifique,

mais à cause des cercueils  dont vous venez de parler.

Qu'êtes-vous venue demander  au Parlement européen ?

Je suis venue parler au nom de Lampedusa

et pour les personnes  qui demandent un asile en Europe

et qui sont obligées de le faire à la nage,  de faire naufrage ou de mourir en essayant.

Lampedusa représente  une grande tragédie,

mais aussi de belles réussites,  car de nombreuses vies ont été sauvées.

Il y a quelques mois, vous avez adressé  une lettre ouverte à l'UE

en disant : "Si vous nous abandonnez,  et si c'est à nous de gérer tous ces morts,

je veux un télégramme  pour chacun d'entre eux."

Selon vous, c'est l'UE qui est indifférente

à ces problèmes de l'immigration  et de l'asile, ou est-ce aussi l'Italie ?

Le poids de ces morts pèse sur  la conscience de tous les États membres,

car l'UE a fermé ses frontières  sans faire la distinction

entre l'immigration économique  et les demandes d'asile.

Mais Lampedusa souligne aussi  la responsabilité de l'Italie,

car l'Italie n'a pas de stratégie  en ce qui concerne l'immigration ou l'asile

et elle a toujours réagi  en prenant des mesures d'urgence.

sont probablement l'exemple le plus  frappant de la dégradation et de l'abandon,

de la manière dont, sur cette petite île,

mon pays le premier  a rejeté le problème,

comme s'il s'agissait  d'une grande décharge.

Les personnes qui arrivent à Lampedusa  y restent, au lieu de transiter ?

Cela s'est principalement produit  entre 2009 et 2011,

qui a transformé Lampedusa en un centre  d'identification et d'expulsion.

Toute personne qui débarquait  était détenue là

et vous avez tous vu  récemment les conditions

dans lesquelles les familles syriennes  et les enfants qui arrivent sont détenues,

cette situation scandaleuse  de refus de l'asile ?

Ces gens montent à bord de ces bateaux  parce qu'ils n'ont pas le choix.

Ils savent très bien  qu'ils risquent de mourir.

Cela révèle une chose que Lampedusa  a déjà comprise depuis très longtemps -

que ce n'est pas la bonne manière  de les arrêter.

Ce sont des réfugiés  avant même de monter dans ces bateaux.

Les demandes d'asile devraient donc  être traitées plus tôt ?

Oui, dans les pays de transit,  par les ambassades

de pays comme le nôtre qui reconnaissent  la valeur de la vie humaine.

Ce sont des touristes et des pêcheurs  qui les accueillent. C'est un paradoxe ?

L'UE s'est dotée de l'agence Frontex.  Ne sont-ils pas en mesure de les assister,

ou bien ce sont nos règles qui  les empêchent d'aller à leur rencontre ?

Frontex n'est pas la solution. Elle  ne l'a jamais été et n'en sera jamais une.

Le principe de non-refoulement n'est pas  clairement écrit dans ses règlements.

L'objectif principal de Frontex  n'est pas de secourir les personnes

mais de veiller à ce que les frontières  soient fermées.

Que voulez-vous dire aux dirigeants  allemand, néerlandais, danois ?

Ils disent : "Nous acceptons la majorité  des demandeurs d'asile dans nos pays.

Nous prenons déjà nos responsabilités."

Je veux leur dire deux choses. D'abord, que  très peu de gens entrent par Lampedusa.

C'est beaucoup pour Lampedusa,  parce que l'île est très petite,

mais 25 000 personnes en 2013, c'est  une goutte d'eau dans l'océan pour l'UE.

Obligez l'Italie à élever la norme  de ses infrastructures d'accueil

à un niveau bien plus élevé,  qu'elle n'a pas encore atteint.

Mais faites quelque chose.  Arrêtez de nier le problème.